La caméra suit le mouvement des gestes; le cadrage, autour de plans serrés sur ces gestes, laisse entrevoir quelques éléments de paysages, objets et lieux, comme signes d’un contexte à déterminer. Ce film dans sa version définitive sera composé de sept plans séquences de 4 à 5 minutes chacun, lié à un lieu et une situation donnée.
Le choix de ces situations s’effectue autour d’une réflexion sur la production des images: les mains et les gestes sont souvent mis en scène de façon codée.Travailler sur ce type de représentation est une façon de composer avec les strates de l’image, strates constituées de réminiscences, de sentiment de déjà-vu ou d’émotions simples. C’est un travail autour du cliché: nous avons tous en tête les images génériques de serrements de mains d’hommes politiques, d’embrassades érotiques, de violence, etc.

L’action du film Hand-Made: Une Publicité sont les mains, comme objets de séduction. Les mains et gestes sont pris dans le jeu de l’artifice.
La scène suit le continuum d’une prise de vue publicitaire pour un nouveau hamburger, sain, naturel et basse calorie; un modèle pur, quasi cosmétique. Ce qui est visible c’est l’avant et l’après de la mise en scène autour de la réalisation de cette photographie. Tous les gestes sont ceux des professionnels liés à cette prise de vue: la chef-déco, la maquilleuse, la préparatrice culinaire. Cette mise en place, millimétrique et chorégraphique s’articule autour de la figure du mannequin de détails de mains, personnage principal de cette scène et moteur de l’ensemble du mouvement. C’est un long déplacement de près de cinq minutes depuis la loge confinée, intime, où se fait le maquillage, en passant par les couloirs sombres du studio, et se dirigeant vers le plateau central, éclairé d’une lumière vive et étale, une lumière «pure» à l’image du cliché publicitaire. Chaque geste est saisi en gros plan, décortiqué pour devenir une chorégraphie. Gestes répétitifs, inconscients et pratiques, ils appartiennent à ce vocabulaire du comportement humain qui intrigue Natacha Nisic.

Phi Phong, le personnage central, est modèle «détail main» dans la publicité. Dans la vie, elle est manucure esthéticienne dans un institut de beauté. Natacha Nisic présente en vis-à-vis une vidéo documentaire de Phi Phong, Hand-Made: La Manucure, sur son lieu de travail.

En parallèle, deux photographies: la première, la photographie, publicitaire, a été réalisée le temps du tournage et au moment de la prise de vue. C’est une photographie couleur où l’on voit le mannequin face au hamburger, les yeux fermés, dans un quasi délice ou «absence». Cette photographie, prétexte et motif de la scène, est montrée en vis-à-vis de la projection du film. La seconde représente Phi Phong, la manucure, sur son lieu de travail reprenant la pose de la première image.

Le film «Hand-Made/Fait-Main» est produit par Fin Avril, Emmanuel Deswarte

Natacha Nisic est née en 1967. Elle vit et travaille à Paris. Elle a étudié à l’École Nationale des Arts Décoratifs, puis à la Deutsche Film und Fernseh Akademie de Berlin, où elle a séjourné jusqu’en 2002. En 2001, elle a été pensionnaire de la Villa Kujoyama au Japon. De retour en France, elle suit actuellement l’atelier scénario de la Fémis. En 2003, le Plateau lui a consacré sa première exposition institutionnelle.